Alysson Jadin, 24 ans, venait d’ouvrir son barber-shop à Liège et a été retrouvée morte le lundi 16 novembre 2020. Pour ses proches, elle n’a pas supporté d’être jugée « non essentielle » par le gouvernement et s’est suicidée. Un drame devenu symbole de la détresse face à la pandémie. Quatre ans après, Fox lui rend hommage avec une chanson forte où il exprime tous ses sentiments : peine, tristesse, compassion et rage.
On se souvient tous de ce que les médias ont présenté comme un fait divers, mais qui, en réalité, a été perçu par beaucoup comme la conséquence de l’échec des politiques dans la gestion de la crise.
Fox, qui nous a habitués à des prises de position tranchées, reste ici dans la retenue. On aurait cru qu’il partirait en guerre, mais non, c’est plus un cri d’amour et de peine. On a tous eu notre petite larme en écoutant cette chanson, où Fox exprime merveilleusement la douleur de la perte et le sentiment d’incompréhension face à cette situation qui n’aurait jamais dû arriver.
On retrouve pour ce morceau l’équipe de musiciens habituelle de Fox Nigon : Erwan Anadon à la guitare, Laurent Julia à la batterie, Romain Brusini à la basse, Tom Carrière aux claviers et le formidable Olivier Seiwert au saxophone, qui nous gratifie d’un solo extrêmement émouvant. Et bien sûr, le tout est sublimé par le grand Matt Butler (Paul McCartney, Dire Straits, Pink Floyd, Tears For Fears, Madness…).
Le résultat est un rock qui tape dur, avec des cuivres puissants, faisant ressortir toute la tragédie du propos.
Hier, jour de la sortie d’Alysson, nous avons parlé au téléphone avec Fox, qui a bien voulu répondre à nos questions :
Le style musical d’Alysson nous rappelle un peu votre premier album plutôt que les derniers. Pourquoi ce retour en arrière ?
« Je ne m’en étais pas rendu compte… C’est sans doute dû au fait que j’ai écrit et composé cette chanson durant la pandémie, seul, quand nous étions ‘à l’isolement’. Ça doit être ma vraie nature et ma manière de faire de la musique que l’on retrouve ici. Maintenant, c’est quand même assez différent ; il y a la patte de Matt dans l’arrangement et la production, et j’ai beaucoup évolué vocalement ; je pense que c’est un morceau plutôt abouti. »
Vous nous avez habitués à des productions vidéo très cinématographiques et léchées. Pourquoi avoir choisi de vous limiter à une vidéo avec paroles ?
« Je voulais aller à l’essentiel et ne pas surenchérir avec des images. J’ai chanté plusieurs fois ‘Alysson’ dans mes concerts cet été et alors que le public ne connaissait pas la chanson, j’ai été surpris de le voir reprendre le refrain avec moi et crier ‘Mais pourquoi t’as fait ça ? T’étais belle comme une diva…’, alors j’ai pensé que leur faciliter l’accès aux paroles pouvait être une bonne chose. On est certes moins dans l’esthétique mais beaucoup plus dans le ressenti ; moins dans l’artificiel, plus dans l’essentiel ! »
Et pourquoi avoir attendu 4 ans pour sortir cette chanson ?
« Sans doute par pudeur et aussi par respect ; je ne voulais pas apparaître comme un profiteur ou un vautour qui profite d’un événement pour faire du buzz. Le temps n’efface rien mais permet de regarder la vérité en face plus objectivement ; alors qu’à chaud on peut facilement donner dans l’outrance. Aujourd’hui, c’est un hommage, une commémoration et c’est plus fort que de partir en guerre… J’ai juste pensé qu’aujourd’hui il était temps ! »
Parmi tous les drames et malheurs qui touchent le monde, pourquoi avoir choisi Alysson comme sujet pour écrire une chanson ?
« Quand j’ai découvert son histoire dans la presse, j’ai été profondément bouleversé. Il y a eu combien d’Alysson durant cette période ? Combien de vies perdues, de familles brisées ? Jeune, j’ai perdu une sœur et j’ai vu à quel point pour des parents il n’y a rien de pire que de perdre un enfant. C’est toute cette douleur qui a resurgi. À cela s’ajoute la rage liée à l’absurdité de cette situation, aux responsables qui ne paieront jamais et à une bêtise d’État à l’échelle planétaire… Il n’y a pas de petites ou grandes causes quand on parle avec son cœur ! »
On sent de la rage ; pourtant cette fois-ci le Fox révolté que l’on connaît ne délivre pas de message politique ?
« Si si ! Les Jupiters se reconnaîtront : tous ceux qui savent tout mieux que tout le monde, détenteurs de la vérité absolue et qui s’octroient le droit de nous commander ou de nous dire comment vivre ou ne pas vivre… Il y a un message fort et clair contre toutes les élites ‘qui nous mènent au bûcher’. Ce qu’Alysson a refusé de perdre c’est sa dignité et sa liberté. C’est un cri de révolte ! »
Finalement c’est une chanson réactionnaire ?
« Non ! Cette chanson est avant tout un hommage ; il ne faut pas tout mélanger. J’exprime des sentiments et de l’émotion ; mes convictions personnelles c’est autre chose. Bien sûr le sujet reste ouvert et que les consciences se réveillent après ces événements c’est bien ; mais ce sont deux choses différentes… »
Il y a donc quand même une prise de position contre les élites et aussi contre l’État. Ce n’est pas un peu populiste ?
« Quel que soit le sujet abordé — santé, économie, défense, écologie ou sécurité — il y aura toujours une vision pro et une autre anti. Ce qui est insupportable aujourd’hui c’est l’attitude méprisante et condescendante des élites. Populiste c’est justement le contraire d’élitiste. Ça ne veut pas dire faire de la démagogie ou être poujadiste mais regarder l’intérêt et la volonté du plus grand nombre : le peuple ! Ça ne devrait pas être ça la démocratie ? Parce que des élites placées par des puissants veulent sans arrêt contrôler notre vie ; l’État ne nous aide pas ; il nous emmerde ! »
Et maintenant quels sont vos projets ?
« Je continue d’écrire et de composer et devrais bientôt retourner en studio ; mais il reste encore des chansons enregistrées qui ne sont pas sorties. C’est pour bientôt et cela se conclura par la sortie de mon quatrième album. »
Merci beaucoup Fox ! On a hâte !
A écouter sur nos playlists !
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